Je fais une petite pause de guides cadeaux parce que c’est le Black Friday demain et je me disais que vous apprécierez peut-être un contenu qui ne parle pas de consommation.
Sinon à part de t’ça, tout le monde survit j’espère? Avez-vous des plans pour Noël? Pour ma part, je compte passer Noël seule.
Je serais curieuse de savoir quelles ont été vos réaction en lisant cette dernière phrase. Parce qu’à chaque fois que je dis à quelqu’un que je passe Noël seule, une force invincible me fait ajouter tout de suite après «Mais c’est correct, c’est mon choix, je fête pas Noël, j’aime pas ça».
Selon **la société**, passer Noël seule c’est la pire affaire qui puisse t’arriver. Quand je le dis à des inconnus, je peux voir dans leur regard que tout à coup je ne suis plus Audrey, je suis un chat de ruelle orphelin avec une patte cassée, une petite fille aux allumettes, le vieux monsieur à la pelle qui avait l’air méchant mais qui était juste triste dans le fond, dans Home Alone.
Et quand je précise que c’est mon choix, il y a quelque chose qui ne compute pas. Pourquoi voudrait-on passer Noël seule?
Ce texte me servira de communiqué de presse que j’enverrai à celleux qui me poseront la question, mais je me dis qu’il pourrait aussi peut-être rassurer certaines personnes qui considèrent ne rien faire à Noël. Ou qui sont déjà seules et se sentiraient moins seules de savoir que d’autres personnes sont elles aussi seules. En tout cas.
Mais?!?! La famille?!?!?
Jusqu’à mes 12 ans, j’ai adoré Noël. L’essentiel de mes plus beaux souvenirs de Noël provient de mon enfance. L’anticipation, le vinyle de Céline Dion qui chante Noël, le magasinage de cadeaux dans les catalogues Sears et Distribution aux consommateurs, l’odeur du papier collant avec lequel j’aidais ma mère à accrocher les décorations, mettre ben trop de glaçons dans le sapin, le centre de table avec un petit Rudolph couvert de sucre en poudre pour imiter la neige, et les traces de mes petits doigts venus piquer une lichette dudit sucre en poudre, la sieste l’après-midi du 24 an prévision du réveillon, déballer des cadeaux et, souvenir de bonheur suprême: DORMIR AVEC TOUS SES CADEAUX DANS SON LIT.
Ces souvenirs me sont très précieux. C’est la raison pour laquelle j’adore l’avant-Noël en général. Le mois et demi avant le 24 avec ses premières neiges, les petites lumières, Bing Crosby et toute la nostalgie.
Après 12 ans, mes souvenirs de Noël s’assombrissent: cris, injures, larmes. Arriver dans la famille les yeux bouffis, tout le monde le voit, personne dit rien. Baisser ma manche pour cacher les bleus en forme de doigts sur l’avant-bras, beaucoup de bruits, de lumières, de gens. Il fait chaud. Souris ou ça va brasser au retour. Pis, les études? Dis allô à Chose, c’est le cousin de la grande-tante de ton grand-père. Pis, tes études? Une cachette derrière le divan, lire des vieux Lundis en attendant.
Rien ne me ramène aussi près de revivre mon adolescence traumatique que Noël en famille.
Alors je fête Noël pendant le mois qui le précède. Et j’arrête sec le 24.
Mais?!? Qu’est-ce que tu fais, d’abord?!?!
Ça dépend des années. Parfois, je fais du bénévolat avec Les Petits Frères et c’est génial. J’accompagne des aîné.e.s qui participent au grand dîner de Noël du 25. Si ça vous chante, je vous le recommande fortement.
En anglais on comprend la différence entre being alone vs being lonely. En français, je parle de solitude vs isolement. J’adore ma solitude, mais l’isolement que j’ai vécu pendant la pandémie m’a changée pour toujours. Je connais la valeur d’avoir de la compagnie quand on en a besoin. Rien ne me fait plus plaisir que d’offrir ma compagnie à des gens qui en ont besoin. Et Noël est effectivement un moment où on peut se sentir seul.e si c’est une fête qui est importante pour nous et qu’on ne peut la célébrer avec nos proches.
Nouvelles traditions
Le 24, je fais souvent rien. J’absorbe la vibe toute particulière de cette journée. C’est un peu comme se lever super tôt le matin et aller prendre une marche dans le quartier. Ou marcher seule dans la rue pendant un soir de tempête de neige. La ville dort et on a l’impression qu’on est sur une autre planète. Le 24, tout le monde prépare de quoi, ou est en train de se rendre quelque part. Moi je fais rien. Je suis l’oeil de l’ouragan. En pyjama.
Aucune responsabilité. Aucune attente. Aucun masque à porter. Aucune règle non-écrite d’interaction sociale à ne pas comprendre. Aucun membre obscur de la famille à offenser sans m’en rendre compte avec ma resting bitch face. Aucun bruit. En pyjama. Au creux des couvertures. Téléphone en mode avion. Un studio Ghibli sur le laptop.
Le 25, je fais comme les juifs new yorkais: une livraison de chinois ou d’indien en écoutant La Gloire de mon père et Le Château de ma mère. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai toujours écouté ces films dans le temps de Fêtes, même si l’histoire se passe en plein été provençal. Je pense que c’est une façon de connecter mes plus beaux souvenirs d’enfance avec ces films, qui sont eux-même un magnifique hommage à l’enfance de Marcel Pagnol.
Jamais je n’ai ressenti de lourdeur, de tristesse ou de regret en restant seule à Noël. Juste une paix profonde. Un sentiment de sécurité. C’est vraiment là où je me sens le plus en vacances. Complètement décrochée.
Mais ?!?!?! Plus jamais de Noël en famille?!?!
L’an dernier, mon ami m’a invitée à passer Noël dans sa famille. Les deux facteurs qui m’ont fait accepter cette chaleureuse invitation: 1. je ne me sentais pas comme un chat de ruelle à la patte cassée à qui on offrirait un casseau de paille dans le garage et 2. les célébrations étaient somme toute intimes, avec même pas 10 personnes, donc pas overwhelmantes.
J’ai adoré. Il faut dire, mon ami a une famille assez formidable. La vibe était impeccable. Ça m’a fait du bien.
Si l’invitation revient cette année ou celles d’après, je l’accepterai sans doute avec la même joie.
Le meilleur là-dedans, c’est que je saurai que j’ai accepté non pas par désespoir ou par peur d’être seule, mais parce que j’ai réellement envie de vivre cette expérience.
Le sentiment de sécurité qui vient avec une solitude sincèrement appréciée est le plus beau cadeau que je me suis offert.
J’ai fait un move semblable l’an dernier en passant la veille du jour de l’an seule chez moi et c’était définitivement le meilleur moment de mon année, même si pas grand monde comprend. J’ai parlé à personne, j’ai flatté mes chats, j’ai pris un bain pis j’me suis couchée à genre 9h30 avec un grand sourire dans face.